HISTOIRES PASSÉES
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JEUDI 20 AOUT :
CARTOGRAPHIE DES CORPS
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Devant, il y a les rouleaux.
Ceux qui emmènent les corps, mais pas que.
Ceux qui distillent la puissance insoumise du monde.
Il y a ceux même qui y pénètrent avec force et rage de vivre.
Ceux qui observent.
Ceux qui s'y tentent, ils glissent comme sur un tapis humide, se relèvent puis se retournent, docilement acceptent de se faire claquer le cul, sourire aux lèvres.
L'humidité est ambiante.
Le ciel profond et grave, avec générosité, laisse une faille et le bleu s'immisce, réchauffant mes jambes exposées.
Ici la peau s'expose.
Ici les corps s'exhibent.
Les sexes tous, se frôlent et se pénètrent, jouissance absolue.
Cartographie des corps.
Cartographie du plaisir.
Les pas sur le sable humide, se succèdent, millier de pas usés, centaine de seins gonflés.
Tout est question de corps.
Tout est question de vies.
Ça roule devant
Le glissement des vagues me ramène à voir mon propre corps.
J'observe cette peau qui a changé de couleur.
Elle n'a cependant pas perdue de son extrême sensibilité.
Le sel minuscule sur ma peau me rappel, que non, ce n'est pas terminé, pas finie notre histoire anguleuse.
Comme les vagues, mon esprit fou le camp.
Incessant vas et vient de pensées.
Stop que tout s'arrête, au moins une demi minute.
Je ne me laisse pas de repos. Ni à moi, ni aux autres.
Je ne me laisse pas tranquille.
Ils sont tous scrutés, observés, pensés.
Que ça s'arrête.
Et je lève les yeux, il y en a plus encore, parasols colorés et odeurs de crèmes solaires asphyxiantes.
Ici on est enfin l'animal, il y a toutes sortes d'animaux.
Les plus dociles, les oiseaux, ceux qui choisissent tout de même la liberté à la soumission.
Les plus vifs, qui quoi qu'ils se vivent sont à l'affut.
Les plus prédateurs
Les plus discrets
Et les plus imposants de la jungle.
Mais ce qui est sur, c'est qu'ici, notre instinct de vie n'est pas asservi.
SAMEDI 13 JUIN : MARSEILLE
LA CÉLÉBRATION DES MOTS
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Lui, il ressemble à un singe, ses petites jambes en l'air, son ventre sur plusieurs étages, ses mèches rebelles et ensoleillées sur le dessus de sa tête pas tout à fait ronde.
A chaque position l'animal en lui reprend vie.
Le chat, la loutre, le dauphin...
Et de son instinct animal qui prend le dessus.
Il est de ces êtres à la conscience aiguisée.
A l'oeil vif et la réflexion rapide et douce.
Aux sentiments acérés.
Aimer, admirer l'acrobate.
Persister à oeuvrer l'amour autour de nous.
Inventer un jeu de chaque instant.
Renouveler sans cesse le fil conducteur pour suivre.
De nouveaux corps passent, pas loin, se lance la danse de mes pensées
Ce mélange instable, qui virevolte autant qu'eux, vivants.
D'images et de sons qui s'appliquent à tout mon corps.
Comme le soleil à 8 minutes lumière, je ressens et pose bien plus tard mes mots, le temps que se crée, lentement le fil, d'eux.
D'élans poétiques et chemin heureux, curieux.
La célébration des mots.
Le tout petit de 10 ans, aiguisé à son rythme, à la vague de la pensée heureuse.
A la forme incompréhensible, extralucide et rêveuse.
A la découverte incessante de ce qui l'entoure.
Je l'observe, il apprend chaque seconde de sa vie et découvre de lui autant que le sel de la mer à quelques mètres de lui.
Le sel de la vie
A toi Françoise Héritier
Mon vagin vidé et célébré de cette vie restée ailleurs.
Ma pensée souriante.
Dans cette joie d'eux, allongés leurs corps l'un sur l'autre, du + sur +, augmentant considérablement la masse de peau et d'oxygène, de cheveux bruns et d'amour.
DANSER EN APNÉE
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Un théâtre ancien, aux sièges satinés rouges, moulures et petites loges en hauteurs.
J’ai aimé ce temps d’avant, être dans les loges celles des danseurs, danseuses, entendre le grincement des lattes, sentir l’odeur du passé, sentir l’excitation lointaine des corps passés là, bien avant moi.
Emprunter les longs couloirs et les petits passages.
Ouvrir le rideau noir, discrètement pour voir le monde s’installer, voir la salle se remplir.
Mon cœur battait et une sensation particulière m’a envahie dès lors que je suis entrée sur scène.
C'était la danse qui m’avait envahie.
Parler.
Parler avec le corps. C’était ça, ce besoin.
M’exprimer. Il fallait que ça sorte d’une manière ou d’une autre. Pour moi danser, c’est comme parler sans voix, en silence, c’est dire sans les mots, - c’est le besoin impérieux essentiel des êtres humains, être touché, c’est les corps qui se rencontrent, c’est lutter contre tout ce qui retient, tout se qui pèse et qui alourdit, c’est écouter ce que notre corps nous donne à écouter tout doucement, c’est être en soi et se sentir se dissoudre, se liquéfier et être matière en même temps, c’est être là profondément présent, ancré, c’est partir loin en soi, voyager tout en étant là, sentir que le monde n’est pas juste posé là extérieur à soi même, mais qu’il m’est offert, que je suis dans la vie. »
J’ai ressenti à cet instant ce que plus jamais je n’ai ressenti.
Un abandon de mon esprit pour le noir, un laissé aller si bon.
Il n’y avait rien d’autre autour, juste moi et mon corps, moi et mes bras, comme si j’étais immergée dans les profondeurs, là où plus rien n’existe, là où plus rien n’a d’importance, là où les yeux ne voient plus que l’infini, là ou le corps se laisse aller au goût de la vie, au goût du rien, au goût de tout l’univers.
L’inconnu.
Comme un plongeon sans fin. Une ivresse des profondeurs sur terre.
Comme une nageuse qui explore l’intensité de l’eau. Un nouveau monde rempli de soi, vidé de tout. La tête peut tomber, pas de douleur, les bras peuvent s’en aller, en arrière, pas de douleur. Les jambes se délestent de leur poids et de leurs fonctions, elles avancent, se courbent et se font de l’instinct animal.
La douceur, enveloppante, me berçait.
Le son de la musique me paraissait lointain, sourd, enveloppé de coton. Comme une autre vie.
Le temps s’était arrêté.
Une pause dans la vie, un guillemet qui s’ouvrait et qui me réconciliait avec mon dos, avec mon corps, avec moi.
J’étais bien avec lui, on s’aimait, je prenais soin de lui et lui comme l’injonction de Sophie Calle
« Prenez soin de vous »
il obéissait. Il prenait soin de moi.
Je m’accordais une parenthèse.
Elle aurait put être sans fin…
Mais comme chaque plongée en apnée, il fallait remonter à la surface, remplir mes poumons d’air pour continuer à vivre. Envie paradoxale de rester ou de remonter.
- Glisser sans tomber, trouver la bonne raison de remonter -
Devoir choisir. Vivre ou mourir.
MERCREDI 17-03-2021
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Aujourd'hui tiens je sens quelque chose en moi. Je crois que c'est dans mon ventre.
Oui c'est là, en haut, pas loin du plexus.
Tu sais là où ça sert quelques fois, comme pour essorer ce que tu vis.
Te faire ressentir que tu es vivante tiens !
Je me demande bien pourquoi aujourd'hui, j'ai mal ?
Je suis allée au jardin ce matin. Celui qui est juste à coté de la maison, pas loin.
Enfin la maison, notre petit lieux, si petit et pourtant rempli plus que jamais du bonheur d'être enfin là.
D'avoir pris la bonne décision et d'avoir ouvert nos yeux.
Enfin.
Cette petite bicoque, en bois.
Posé juste à coté, un cube blanc là où un petit être vis ces plus belles aventures, jamais seul, toujours avec son chien.
J'ai marché pieds nus sur la terre fatiguée.
j'ai récupéré les poireaux et un choux rouge.
J'ai observé l'herbe qui est devenue bien verte, je m'en suis surprise.
J'ai sentie le soleil sur mon dos, moins fort qu'à son habitude et j'ai aimé.
J'ai touché les fleurs de soucis bien orange. J'ai aimé aussi, et les autres je les aient laissé derrière moi.
A mes oreilles, le sons des oiseaux qui ont retrouvé les arbres, qui doucement revivent d'un temps de repos.
La colline prend une belle couleur et je m'en suis émerveillée.
J'ai eu envie de m'asseoir.
Puis m'allonger.
Puis fermer les yeux.
Puis respirer. Fort une bonne bouffée par le nez.
Puis j'ai souri.
Mon dos était frais, touché par la rosée du matin.
Mon visage doucement s'est réchauffé.
Le temps avait une nouvelle saveur, un nouveau goût, il était bon.
Plus que jamais je retrouvais le goût des bonnes choses, celles qui me nourrissent. Celles qui m'autorisent à vivre ce que je suis.
Il était tôt, je crois, puisque rien ne bougeait autour. Juste l'eau qui quoi qu'il se passe coule et avance, jamais ne recule.
Une main s'est posée sur mon visage, ces caresses pour me ramener, pour me faire ouvrir les yeux. La douceur d'une main d'enfant.
Oh elle est douce cette main. Puis ce corps bien grand déjà s'est allongé à coté de moi. Nous sommes restés encore. Longtemps, je crois.
Ne pas parler.
Nos corps ici, au même points cardinaux à l'unisson. Aucun mots ne sortira de nos bouches chaudes et humides.
Qu'est ce qu'ils diraient eux.
Surement qu'ils en auraient envie.
Surement qu'ils n'oseraient pas ainsi perdre ce temps si précieux qui défile sur leur poignet.
Certainement que nous sommes fous.
Le soleil de plus en plus présent nous réchauffe. Il réchauffe nos coeurs aussi qui un an avant semblaient bien plus abimés.
Un an avant nous devions nous confiner.
Un an avant un virus soit disant, offrait au monde une pause bien méritée.
Un an avant nous devions passer du temps avec nos enfants.
Avec nos proches.
Avec nous même.
Un an avant certains ont eu peur et se sont dit qu'ils devaient changer.
Un an avant certains ont pris conscience et ont pris des décisions, mais quand tout a recommencé, ont recommencé.
Un an avant certains ont pensé à sauver leur peau.
Et puis il y a tous les autres, ceux qui ont eu peur et qui ne voulaient plus se toucher.
Ceux qui se méfiaient même de leurs enfants, ceux qui portaient des masques et des gants.
Ceux qui ne savaient pas trop, ceux qui s'en foutaient, ceux qui croyaient aux complot.
Un an avant j'ai observé ce monde.
J'ai eu l'impression d'être inconsciente.
J'ai été heureuse de passer du temps avec mon enfant.
J'ai été heureuse de passer du temps avec D.
J'ai culpabilisé de mon oisiveté.
J'ai partagé cette oisiveté forcée.
J'ai écris ces mots.
EXPÉRIENCE 1 DE LA GOUILLE
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Sur une proposition de Benoit Houssier de L'énergie de la plume
Ce matin là nous étions trois.
Chose rare d’être ici, ensemble, tous les trois.
Derrière la vitre, le soleil, la chaleur me parvient et j’aime ça.
Je prends sur moi pour me glisser jusqu’au fauteuil jaune et lance l’impression.
J’imprime
« Tu t’autoriseras bien à sortir de chez toi tiens… » et je signe.
J’ai du mal à lire ces quelques lignes, mais voilà je le fais.
Je regarde ce visage dans le miroir, et observe que j’ai pris des couleurs. Bronzée.
A force de ne pouvoir sortir, je suis dehors sur la terrasse plus que jamais. Hier aussi alors qu’il faisait froid.
Mes poches lourdes de papier en tout genre et celui là, aussi.
Je sors.
Il sort.
Nous sortons.
Thym sauvage qui arrache le bout des doigts.
Soleil qui cogne sur mon dos et lunettes sur le bout du nez
Mes semelles trainent le sol, la terre, la mousse verte, les morceaux de bois.
Les jumelles observent au loin ce que je ne vois jamais comme ça.
Je monte les rochers, puis redescends.
J’empreinte l’allée jaunâtre, celle que je connais et j’enlève mes chaussures, les chaussettes aussi et le reste…
Devant moi la gouille qui quoi qu’il se passe coule, avance, jamais ne revient en arrière.
Mes pieds sont sur la terre fatiguée, si fraîche tout de même.
Devant moi un tourbillon couleur Agathe
Ils avancent jusqu’à l’eau claire.
Elle est si froide qu’elle me glace les orteils.
Coute que coute j’avance et j’ai de moins en moins mal
Je vais au fond de la gouille et m’immerge.
Tout entière, sauf les mains faut pas déconner c’est trop froid
Ah je me sens si vivante, j’ai envie de crier le froid
Mais shut pas de bruit.
Je sors aussi vite que je suis rentrée
Quelques allers retours pour toucher du doigt encore et encore ce corps vivant
Ce corps qui est aligné, enfin presque.
Je les observe eux, qui se sont perché sur une branche, ils me font penser à cet écureuil que je vois souvent ici quand je suis seule.
Eux ils sautilleront pour traverser la rivière.
Je sautille à mon tour sur la terre et en moi ça danse et c’est si bon
Quelques respirations narine gauche, 12.
Quelques respirations narine droite, 12.
En une heure et sur 1 km autour de chez moi j’ai senti, entendu, touché vécu ce qui me prend habituellement des heures par oisiveté.
Expérience nouvelle.